dimanche 23 juin 2013

Workflow, optiques, encodage : des lectures pour l'été

Voici quelques références d'articles publiés sur des sites bien connus, mais qui ont pu échapper à certains dans le stress des examens. A méditer à partir du 5 juillet...
Tout d'abord, pour éclaircir certaines questions relatives au workflow 4K, il faut lire un excellent article de Shane Hurlbut, qui travaille avec le Canon 1D C depuis son lancement pratiquement :
http://www.hurlbutvisuals.com/blog/2013/06/canon-1d-c-internal-4k-workflow/comment-page-1/#comment-66086


Toujours sur le même blog, Hurlblog, une série consacrée aux optiques :
http://www.hurlbutvisuals.com/blog/2013/05/how-lenses-assist-in-storytelling/


Et pour terminer, un tableau (très bien fait)effectuant une comparaison entre les principales caméras "digital cinéma" à capteur unique disponibles sur le marché, et que l'on doit à Fletcher Camera and Lenses :


mardi 11 juin 2013

La restauration de "Richard III" commentée par Martin Scorcese

Un excellent article de Debra Kaufman, sur Creative Cow, décrit le processus qui a permis de mener à bien la restauration numérique du film de Laurence Olivier, Richard III. Ce film de 1956 avait été tourné en technicolor et VistaVision, et Laurence Olivier lui-même y tenait le rôle titre.
La stature et la renommée du réalisateur-acteur lui avaient permis alors de réunir autour de lui une équipe et des comédiens très connus à l'époque : John Gielgud, Ralph Richardson, Claire Bloom, pour ne citer que ceux-là.
Le film d'une durée initiale de 160 minutes environ, fut amputé par la suite de plusieurs scènes, qui disparurent du négatif d'origine. Récemment, The Film Foundation, un organisme crée par Martin Scorsese pour permettre de préserver la mémoire du cinéma, a entrepris une restauration numérique de ce film. La restauration au format 4K est le résultat d'une collaboration entre plusieurs organisations, dont le British Film Institue (BFI) National Archive, le MoMA, ITV Studios, Janus Films, etc.
Une partie importante du travail a été effectuée à Colorworks, une filiale de Sony Pictures.
Le travail de fourmi entrepris par les équipes a commencé avec un scan 4K du négatif - de toutes les bobines qu'il a été possible de retrouver. Le processus qui a conduit à réduire la durée du film, dans les années qui ont suivi les premières projections, consistait à couper des plans dans le négatif original. C'est ainsi que plusieurs dizaines d'images ont été perdues, précisément là où le négatif a été sectionné.
Au final, le travail a consisté, en plus de la restauration colorimétrique, a insérer pas moins d'une centaine de plans qui avaient été coupés - mais conservés - et à recréer, grâce à des techniques numériques, les photogrammes manquants suite aux coupures effectuées (voir l'exemple ci-dessous).



 Les photogrammes manquants n'étaient bien évidemment pas le seul problème : le négatif était stocké dans un endroit et les trims dans un autre, ce qui a produit une dégradation sensiblement différente des éléments et il a donc fallu les traiter différemment. Différents laboratoires ont été mis à contribution (voir l'article de Debra Kaufman).
Au final, un DCP 4K a été produit, et il est question actuellement de fournir aussi un négatif couleur en 35mm.
Un résumé du travail effectué dans cette vidéo, présentée par Martin Scorcese lui-même :


jeudi 6 juin 2013

'Valse avec Bachir' : la guerre avec des images

Une chose est sure : la majorité des candidats ayant planché sur l'épreuve de DLA du BTS Audiovisuel 2013 ont choisi d'analyser la séquence du film d' Ari Folman, Valse avec Bachir (pour rappel : les étudiants doivent choisir de traiter une question parmi trois qui leur sont proposées). Et ce film aura probablement beaucoup compté dans l'essai sur la "guerre des images" qu'il leur était demandé de composer ensuite...
Le film de guerre a encore de beaux jours devant lui, semble-t-il. Mais c'est peut-être plus la forme que le fond qui a séduit les étudiants dans le cas présent. 






lundi 3 juin 2013

Le cinéma français est-il antisocial ?

A noter, un élément de plus à verser au dossier de l'extension de la convention collective du cinéma : un lien fourni par l' AFC. Il s'agit d'une émission de France Culture, enregistrée au mois de mai, et qui permet de confronter les points de vue. Alors, "cinéma antisocial" ou "asocial" ? On ne joue pas sur les mots M. Niedermayer ! Cette convention collective est là seulement pour servir de garde fou dans une industrie où les abus deviennent de plus en plus fréquents et où il devient quasiment impossible, pour de nouveaux entrants, de gagner quelque chose qui ressemble à un salaire. Ce qui, semble-t-il, devrait interpeller aussi les personnels en charge de la formation de ces futurs "professionnels" qui ne travailleront jamais... Et rappelons que les techniciens américains de la post-production sont toujours en lutte pour obtenir une véritable reconnaissance de leur travail dans un collectif qui s'appelle VFX Solidarity International. Ce mouvement intervient après la grande grève de la Writers Guild of America en 2007-2008. D'ailleurs, sans avoir à remonter au mouvement de l'automne 2003 en France, on sait que plusieurs associations et collectifs de techniciens et ouvriers du monde du spectacle sont aujourd'hui engagés dans des actions pour contrecarrer le réformisme ultralibéral qui caractérise depuis plusieurs années l'évolution des industries de l'audiovisuel dans ce pays. Inutile de revenir sur le discours que tiennent ces donneurs d'ordre et leurs bailleurs de fonds. Il est désormais archi connu, et celui qui veut voir et entendre pourra effectivement voir et entendre.


dimanche 2 juin 2013

"L' Attentat" de Ziad Doueiri : les jeux de la vraisemblance et du point de vue


Oublions  "La Vie d'Adèle" pour le moment. Oublions aussi le film controversé de N. W. Refn, "Only God Forgives" ou l'adaptation assez plate de "Gatsby",  le roman culte de F. S. Fitzgerald, par Baz Luhrmann, pour nous intéresser à une autre adaptation : celle réalisée par le cinéaste libanais Ziad Doueiri, à partir du roman éponyme de Yasmina Khadra, "L'Attentat".

A travers la trajectoire du médecin palestinien à la recherche des motivations qui ont conduit sa défunte épouse à se faire exploser dans un restaurant rempli d'enfants en train de faire la fête, ce sont deux questions qui traversent le film - des questions qu'on est amené à se poser, inévitablement -, et qui surgissent d'ailleurs, mais d'une autre manière peut-être, à la lecture du roman : la première ayant trait à la vraisemblance de l'histoire racontée, et la deuxième au point de vue adopté. Cela sans préjuger de la réussite même de cette adaptation à laquelle nous nous intéresserons ensuite.
Résumons la trame du film qui adopte, jusqu'à un certain point, celle du roman : un médecin arabe, en apparence parfaitement intégré à la société israélienne, va découvrir que sa femme est la kamikaze qui vient de commettre un attentat en plein cœur de Tel Aviv. Refusant tout d'abord de reconnaître la réalité de cet acte, il va ensuite réaliser qu'il y avait tout un aspect de la vie de son épouse qu'il ignorait - et qu'elle lui cachait. Il va se lancer alors à la recherche des commanditaires supposés de l'attentat et des personnes qu'elle rencontrait à son insu, pour tenter de comprendre les motivations de cette femme. Le film adopte le point de vue du Docteur Jaafari - le médecin arabe israélien - et ne le quitte jamais.

 

La question de la vraisemblance tout d'abord : lorsqu'on connait la société israélienne, et l'apartheid mental sur lequel elle est construite, il est difficile d'imaginer la place que pourraient y tenir des arabes israéliens, seuls ou en famille, autrement qu'en vivant dans un perpétuel état de schizophrénie plus ou moins dissimulée. Et d'ailleurs, dans le roman de Yasmina Khadra ce qui d'emblée posait problème, c'est la facilité avec laquelle était acceptée la situation du médecin arabe, participant à travers sa trajectoire à la promotion et à la justification d'une certaine société libérale et bourgeoise, acquise à des valeurs telles que le respect des droits de l'homme, l'égalité homme femme, etc. Il paraissait ainsi parfaitement naturel qu'un arabe israélien puisse se retrouver au milieu de ces juifs - originaires d' Europe, pour la plupart - et, ayant adopté leur mode de vie et leurs valeurs, habite les beaux quartiers de Tel Aviv ou des environs - ce n'est pas précisé.  
Pourtant cette vie, telle qu'elle est décrite dans les premières minutes du film, et telle qu'on peut l'imaginer dans le roman, n'a pas grand-chose à voir avec le vécu des arabes d'Israël et avec les relations qu'ils entretiennent avec la société israélienne, ses institutions civiles et son armée - les arabes israéliens sont exemptés du service militaire. Lorsqu'on sait par ailleurs,que l'armée est un des éléments majeurs par lesquels s'opère la socialisation des jeunes israéliens, on comprend qu'il ne peut être question d'évoluer normalement dans la société civile lorsqu'on est tenu à l'écart de cette institution.
La position du Dr Jaafari apparait dès lors quelque peu artificielle, de même que la reconnaissance professionnelle que lui manifestent ses pairs lors de la cérémonie qui ouvre le film.
L'acte de Siham - l'épouse du Dr Jaafari - peut alors être compris comme une tentative pour résoudre la contradiction de l'être vivant dans un monde auquel il n'appartient pas et qui ne le reconnaît pas pour ce qu'il est.  Pour des palestiniens venant des territoires occupés et vivant dans le monde de l'occupant - pour éclairé qu'il soit, c'est tout de même l'occupant - la situation peut devenir impossible à vivre, surtout si, à travers leur histoire personnelle on comprend qu'il ont déjà vécu un traumatisme en rapport avec cette situation. Ce qui apparaît très bien dans le roman est, en revanche, à peu près complètement absent du film. Siham Jaafari se fait sauter et les explications viendront tout à la fin mais, peut-être bien trop peu et trop tard, et en tous cas elles sont données par des personnages (le neveu du docteur, un prêtre maronite) dont tout porte à croire qu'ils ont quelques raisons de ne tenir qu'un discours biaisé qui aboutira, comme toujours, à la sacralisation du "martyre".
Le temps d'exposition du roman, le temps de la lecture et de la réflexion, sont évidemment autre chose que le flux continu d'images et de sons, d'ellipses et de mouvement, qui sont la caractéristique d'une projection d'une heure et quarante cinq minutes. La faiblesse du film est donc dans ces silences et dans ces raccourcis qui oblitèrent finalement la profondeur de l'engagement des personnages, ne leur laissant que le temps de prononcer quelques phrases, celles-ci la plupart du temps n'étant rien d'autre que des déclarations faites sur un ton convenu,  et qui ne permettent pas de commencer à comprendre ce qui a pu conduire cette jeune femme à commettre un acte aussi radical. Et pourtant c'était bien là l'objet annoncé, dès le début, de la quête du Dr Jaafari : comprendre le sens de l'engagement de sa femme et, peut-être surtout, comprendre pourquoi cet engagement a été vécu comme un divorce définitif avec le monde qu'a choisi son mari...
C'est par le point de vue du Dr Amin Jaafari (incarné par Ali Suleiman) que cette quête est conduite. Point de vue exclusif - Jaafari est présent dans presque tous les plans - et la plupart du temps très explicite. Mais longtemps pourtant le héros fait preuve d'un autisme remarquable : il ne comprend rien, ou alors il ne veut rien comprendre - et ça semble assez incroyable, compte tenu de l'ambiance à Tel Aviv au début des années 2000, pendant la grande vague d'attentats suicides. Ainsi, le soir de l'attentat, lorsque son neveu Adel débarque chez lui à l'improviste pour récupérer des effets "personnels" et repart aussitôt, il ne semble pas trouver bizarre que le jeune homme choisisse de rentrer précipitamment à Naplouse (en Cisjordanie occupée) alors que des barrages ont été dressés  un peu partout sur les routes. Ce personnage de Jaafari semble ainsi errer en permanence, partagé qu'il est entre l'incompréhension face à ce qui lui arrive et toujours incapable de déchiffrer les signes qui pourtant n'ont cessé de s'accumuler (il faudra la lettre posthume de son épouse pour qu'il comprenne que tout était déjà là, devant lui).
 On ne comprend pas plus le sens de l'engagement de certains palestiniens de religion chrétienne (comme Siham elle-même), engagement politique incontestablement, qui s'il avait pu être explicité dans le film aurait peut-être permis de mieux saisir la dimension véritable de la lutte des palestiniens au lieu de voir celle-ci réduite à des actes terroristes particulièrement horribles (le "Ground Zero" de Jénine ne permet pas cette compréhension et apparaît plutôt comme un "tag" de plus dans un film qui en compte déjà pas mal).
Le film se termine de manière étrange, avec un plan "en suspens", et le héros debout, immobile dans un lieu non identifié (une gare d'autobus ?), apparaît lui aussi en attente de quelque évènement qui viendra clore cette tragédie (sans doute une référence à la fin du roman qui est, quant à elle, complètement escamotée dans le film).
Au final, le film de Ziad Doueiri impressionne plus par sa vision humaniste et son honnêteté que par ses qualités cinématographiques. Compte tenu des difficultés qu'il a rencontrées tout au long du périple qui l'a conduit de la réalisation à la distribution de ce troisième long métrage, on peut lui reconnaître le mérite de la persévérance... C'est déjà beaucoup.