lundi 27 janvier 2014

Les salles de cinéma en perspective

Dans un contexte difficile pour le cinéma en France - production et exploitation - après une année marquée par la baisse de la fréquentation en salles, et alors que se posent différentes questions concernant le financement de la production ou les conséquences, pas seulement technologiques, du passage au numérique, voici un livre particulièrement documenté et qui aborde plusieurs aspects de l'exploitation des salles de cinéma. Son titre : Les salles de cinéma. Enjeux, défis et perspectives, sous la direction de Laurent Creton et Kira Kitsopanidou et il est publié chez Armand Colin (2013).
Avec une question en filigrane, bien sûr : que devient le cinéma exploité à l'ère du tout numérique, du home cinéma et du téléchargement tous azimuts, légal ou pas ?
L'ouvrage réunit les textes de plusieurs auteurs, universitaires et chercheurs pour la plupart, dans une perspective à la fois historique et socio-économique. Son intérêt réside dans le fait qu'il constitue en quelque sorte une synthèse des travaux consacrés à l'évolution de l'exploitation du cinéma - tant sur le plan économique que technologique - depuis une dizaine d'années environ. Car c'est depuis le début de ce siècle que se pose avec le plus d'acuité la question de l'avenir du spectacle cinématographique.
Non pas qu'une telle question ne s'était pas posée auparavant, pas plus qu'elle n'est, à proprement parler une conséquence directe de la diffusion des technologies numériques. On sait, en effet, que les producteurs se l'étaient posée lorsque la télévision avait commencé sa conquête des foyers de la middle class américaine, au début des années 1950. La réponse alors avait été le cinémascope et la surenchère dans le spectaculaire. Mais les conditions de l'exploitation sont différentes aujourd'hui. Et ce, d'autant que sont apparus de nouveaux modes de consommation des images, à travers l'accès généralisé à "une nouvelle galaxie d'écrans nomades permettant de multiplier les modes d'accès au film et de décliner de manière exponentielle les espaces-temps de sa réception, à domicile ou ailleurs" (Introduction, p.13). Car, cette diversité des accès aux films entraine une instabilité croissante de la fréquentation et une difficulté accrue pour les exploitants qui doivent alors rechercher de nouvelles pistes pour fidéliser une clientèle de plus en plus difficile à caractériser. 
C'est ainsi qu'on peut comprendre une réponse qui a consisté à amener sur grand écran des spectacles qui n'étaient plus seulement issus du cinéma à proprement parler - ce que l'on appelle plus communément le hors film : retransmission en direct ou en différé de concerts, de comédies musicales ou d'évènements sportifs - ce qui a pu amener à parler d'une "nouvelle" polyvalence des salles de cinéma (Kira Kitsopanidou et Giusy Pisano, p.147). C'est, de toutes façons, la diffusion croissante des nouvelles technologies, avec le déploiement mondial du numérique dans les salles, qui a rendu possible le développement du hors film sur grand écran, à partir de la deuxième moitié des années 2000. Pour les producteurs de contenus et les détenteurs de droits, le marché des salles constitue une fenêtre d'exploitation supplémentaire et une extension possible de leurs campagnes de promotion multiplateformes. On retiendra en effet les campagnes de promotion s'appuyant sur des mini-concerts privés de groupes de rock ou de chanteurs, avant le lancement de leurs dernier album (Red Hot Chili Peppers à Cologne, Mylène Farmer au Stade de France, Vanessa Paradis, M, etc.). Les opérateurs situés "en aval de la chaine de valeur" (p.159) tels que Eutelsat, la diffusion de nombreux évènements sportifs et culturels en direct constitue un débouché supplémentaire, générateur de prestige et de rentabilité.
Les recettes du hors film demeurent cependant maigres - malgré une croissance très rapide - si on les compare à celles générées par l'exploitation des films de cinéma. Les auteurs notent cependant que, si la moyenne des spectateurs par écran demeure faible (252 pour La Traviata, en avril 2012 pour 135 cinémas en France, un record pour le genre) "les recettes sont bien plus élevées que pour un film de cinéma, en raison du prix du billet (hors abonnement) plus élevé que celui pour le film de cinéma" (p.163) Par ailleurs, et en dépit de l'opposition de ceux qui tiennent un discours plus traditionaliste (ou puriste ?) face à ce mouvement de marketing croissant des œuvres lyriques, le modèle du Metropolitan Opera de New York, Met: Live in HD fait désormais référence dans le monde du spectacle vivant.
Enfin, le succès actuel du hors film s'explique, sans doute en partie, par le fait que le critère du live sauvegarde d'une certaine manière la valeur de la performance, laquelle n'est pas seulement technique, mais fait aussi l'objet d'une véritable mise en scène de télévision (équipe de réalisation professionnelle, multiplication des caméras et des points de vue, etc.).
La question des stratégies d'exploitation en salles est largement discutée dans cet ouvrage. La modernisation des équipements et des prestations, tout d'abord, a contribué de manière importante au maintien de la fréquentation en salles. Les exploitants ont ainsi investi, chaque année, en moyenne 15% de leur chiffre d'affaires à cet effet, ce qui représente environ 5000€ par fauteuil (p.202). Par ailleurs, et dans un besoin de compétitivité accrue, on a continué à perfectionner l'équipement technique des salles, du côté de l'image et du son bien sûr : VueXtreme du circuit Vue Entertainment au Royaume Uni, Enhanced Theater Experience (circuit AMC aux Etats-Unis), ou Pathé+ d'EuropaCorp en France, qui se lance dans la construction de multiplexes de "nouvelle génération" : huit à dix sont prévus dans les cinq ans à venir. Dans ces nouvelles salles, les technologies dernier cri viennent appuyer un modèle économique "fondé sur l'idée de faire rester le plus longtemps possible le spectateur, avant et après la séance avec des salles de spectacle, des jeux, des salons, des bars, et les revenus additionnels correspondants." (p.203)
Finalement, écrit Laurent Creton, c'est la position centrale acquise par le spectacle cinématographique au XXème siècle que les nouveaux modes de production et de consommation des images ont remise en question. Singulièrement en France, le cinéma semble indissociable de son aura, ou d'une certaine forme de sacralisation à laquelle ont contribué aussi bien les critiques, les universitaires, les dispositifs médiatiques ou un certain public de cinéphiles. "Dans une telle perspective, les processus de production, les exigences économiques, les constructions institutionnelles, les lieux de diffusion, les logiques promotionnelles et la question du public sont généralement hors de propos, comme s'il était plus prudent de préserver l'intégrité artistique face aux contingences et à la trivialité de sujets qui relèvent d'une praxis devant préférablement rester dans l'ombre. Backstage." (p.205)
Il est certainement plus commode d'adopter une posture immanentiste, et d'ignorer les processus par lesquels les œuvres en viennent à exister. Ce qui, dans le cas du cinéma pose un sacré problème puisque, au moins jusqu'à aujourd'hui, le moindre court métrage de fiction exige la mobilisation d'une équipe et de moyens de tournage et de post-production relativement lourds et compliqués à gérer. Sans parler bien sûr du coût de la production, de la distribution et de l'exploitation.
C'est une certaine idée du cinéma qui est en train de disparaître avec l'extension de cette nouvelle économie des salles et de la distribution. Celle qui, tout en privilégiant les films et leurs auteurs, s'est toujours refusée à voir déplacer le spectacle cinématographique en dehors de certains lieux qui lui étaient consacrés, c'est à dire en dehors de la ritualisation d'une expérience dont les modes sensoriels et culturels semblent désormais bien loin des désirs des nouvelles générations.
La réalité c'est qu'il est difficile de ne pas se pencher sur ces questions et, le nombre et la variété des rapports récemment publiés en témoigne, le problème de l'avenir du cinéma et de son exploitation demeure un sujet central des politiques culturelles (au moment où j'écris, d'ailleurs, France Culture diffuse une émission intitulée "Le Cinéma français se porte-t-il bien ?" qui traite de questions concernant le financement du cinéma français).

lundi 20 janvier 2014

L'amour est un crime (presque) parfait

Ou comment faire un bon film avec un scénario qui est loin d'être parfait... Sans chercher à dévaloriser le travail accompli par les frères Larrieu, Arnaud et Jean-Marie, en adaptant le roman de Philippe Djian, Incidences, c'est un peu le sentiment qu'on a après avoir vu leur dernier film, L'amour est un crime parfait. En tous cas, il y a comme une impression de quelque chose "qui ne tient pas" lorsqu'on sort de la salle, tout juste après avoir vu le film.
Dans cette histoire, qui raconte la trajectoire un peu sombre d'un universitaire aux allures de dandy cynique, vivant avec sa sœur et qui occupe un poste de chargé de cours dans une université située, semble-t-il, à Lausanne, c'est la manière dont les principaux personnages "se découvrent" petit à petit, et on peut d'ailleurs utiliser les deux sens du verbe, qui est remarquable. Le couple habite une maison isolée dans la montagne, ce qui n'est évidemment pas neutre, et le choix de situer l'action en hiver, avec des paysages enneigés et brumeux non plus.
Ces personnages dont on commence à percevoir les relations au gré des évènements et de l'avancée du récit,  nous laissent pourtant toujours l'impression que tout n'est pas dit, et ce qui est resté dans l'ombre empêche d'une certaine façon d'en saisir toute la cohérence. Ainsi Marc (Mathieu Amalric), professeur séducteur de jeunes étudiantes, proies faciles, mais qui est aussi, équivalence d'ailleurs explicitement énoncée dans le film, l'écrivain raté devenu prof, Barbe bleue somnambule vivant une relation incestueuse avec sa sœur (Karin Viard). Ainsi Anna (Maïwenn), mère éplorée ou femme frustrée, ou autre chose encore, dont le duo avec Marc n'est jamais convaincant, alors que lui ne se demande pas vraiment qui est cette femme ou du moins préfère-t-il ne rien voir. Tous ces personnages fument, encore et toujours, cigarettes tabac ou électronique, à l'intérieur comme à l'extérieur, ce qui rend plus palpable encore l'expression "rideau de fumée".
Pourtant, ce brouillard qui entoure les personnages - et auquel les paysages, parfois plongés dans une lumière diffuse qui en estompe les contours, font écho - fait surement partie du projet des frères Larrieu. On peut d'ailleurs trouver dans ce système narratif, où on ne va jamais jusqu'au bout de ce qui est dit et montré, un réel intérêt puisqu'en maintenant assez longtemps, pendant les deux tiers du film environ, l'ambigüité sur l'identité des personnages ou leurs agissements, on finit par accepter la mise en place d'une structure dans laquelle le faux est véritablement un moment du vrai.
Ce qui constitue, au fond, la matrice narrative du film noir ou d'une certaine forme de fantastique social, comme on se plait parfois à qualifier ces histoires dans lesquelles le réel (ce qui est montré) n'est jamais qu'une projection vue à travers les yeux du principal témoin. Et, comme on ne quitte jamais le point de vue de ce personnage, on finit par accepter comme allant de soi ses visions, ses oublis, et au final cette perte d'identité qui est représentée, de manière métaphorique sans doute, par son somnambulisme. Ce qui, d'ailleurs, aurait pu nuire à la crédibilité de tous ces personnages, vient en fait renforcer le trouble ressenti par l'exposition d'une histoire aux contours volontairement imprécis.
Ainsi tout le monde avance masqué et, si on ne le perçoit pas tout de suite, on ressent par moments l'impression qu'il manque quelque chose, moments peut-être ressentis en raison de ces ellipses très fréquentes, qui interviennent d'ailleurs souvent à la manière d'une phrase laissée volontairement en suspens. Ce n'est pas non plus l'idée que tout n'est pas dit de manière explicite dans le scénario qui renforce cette impression, car il semble bien que ce soit là une stratégie d'écriture, mise en perspective dans ce passage du film dans lequel Marc projette à ses étudiants une séquence de L'Age d'Or, exemple s'il en fut d'écriture automatique au cinéma, venant en contrepoint énoncé des cours de creative writing et de construction du scénario à la Robert McKee. On peut donc y voir une sorte de mise en abyme entre le scénario des Larrieu, les cours d'écriture créative dispensés par le personnage principal et les références à un film de 1930 qui vient contredire le projet même de l'écriture du scénario.
Mais cela suffit-il à expliquer l'impression qu'il manque quelque chose dans l'exposition des personnages? Ainsi, peut-on d'un seul coup accepter de voir se découvrir celui interprété par Maïwenn sans qu'il en résulte, en plus d'un certain malaise, l'impression d'avoir été floué ? Trop court, et trop tard a-t-on envie de dire.
Il reste cependant quelque chose de visuellement très beau dans ce film. C'est, par exemple, le rideau formé par la neige qui tombe, la nuit, dont l'opacité même, tout comme celle du brouillard qui enveloppe la forêt autour du chalet, est la métaphore même de ce qui doit rester caché. A d'autres moments c'est la grandeur même des paysages alpins qui semble contraster avec les silences ambigus des personnages, tel Marc dont on ne saura jamais s'il est ou non réellement somnambule. Le voile de ces relations troubles ne sera levé qu'à la toute fin du film - son exposition trop rapide ne pouvant satisfaire entièrement - et alors qu'on a du mal à accepter la conclusion proposée, tout ceci renvoie sans doute à une parabole exemplaire sur l'impossible clôture du scénario.

mardi 14 janvier 2014

The Virtual Life of Film, par David N. Rodowick (2ème partie)


Une question est centrale dans l’argumentation de Rodowick en faveur d’une refondation d’une théorie du cinéma. Elle concerne le statut de la photographie et comment celle-ci peut aider à penser le cinéma. Rodowick suit, pour l'essentiel, la théorie développée par Stanley Cavell. Les automatismes, selon Cavell, constituent l’un des éléments fondamentaux de la photographie et du cinéma. Ils permettent de définir la condition matérielle du cinéma comme « une succession de projections automatiques du monde » (The World Viewed, p.72). Pourquoi dès lors le fait de prendre une photo, ou de déclencher une prise, peut-il être entendu comme faisant partie d’un processus automatique ?
La conception de Cavell est inspirée en premier lieu par les capacités de reproductibilité mécanique du film et de la photographie. Ceci nous conduit au texte de Bazin sur la photographie, dans lequel il écrit : «Pour la première fois, entre l’objet initial et sa représentation, rien ne s’interpose qu’un autre objet. Pour la première fois, une image du monde extérieur se forme automatiquement sans intervention créatrice de l’homme, selon un déterminisme rigoureux. » (Qu’est-ce que le cinéma ? p.13). Contrairement à la peinture, le principe de la photographie consiste à convertir la lumière captée par l’objectif en matière (pour le film) ou en un flux de données numérisées puis en fichiers (ce qui correspond à la situation actuelle, le plus souvent). L’action du photographe ou du cadreur consiste à mettre en place les conditions esthétiques et techniques de la prise de vue mais, une fois le processus déclenché, l’image est formée automatiquement et enregistrée sur un support photochimique, magnétique ou à semi-conducteurs. Ce qui faisait dire à Jean Eustache : «On n’a pas besoin de faire du cinéma… dès que la caméra tourne le cinéma se fait tout seul. (Notes pour Numéro zéro)
Cette combinaison de l’automatisme du processus de prise de vue et du mouvement linéaire automatisé du cinéma est l’élément prépondérant dans notre perception de la spécificité de l’expérience cinématique comme projection d’un monde « autonome », un monde dont la main de l’homme est absente. En ce sens, on peut dire que la photographie a triomphé de la subjectivité d’une manière dont la peinture n’a jamais rêvé, en éliminant l’agent humain de la tâche de reproduction.
C’est aussi une éthique du temps : à l’instar de la photographie, le film retranscrit avant de représenter, tout en produisant des images en mouvement. Et, comme l’écrit Rodowick, « Dans la photographie comme dans le film, le virtuel dépasse le réel : d’un côté il y a la projection hallucinatoire d’évènements perdus dans un passé (virtuel) et recrées dans le présent de l’image perçue ; et de l’autre, la succession irréversible du présent qui passe dans lequel le mouvement apparait et disparait dans le temps virtuel de la mémoire. » (p.79, c’est moi qui traduis) Et c’est là un des paradoxes de l’expérience filmique : le désir répété de revivre au présent un passé qu’on ne peut pas reproduire.
Les raisons qui font que les études consacrées au cinéma ont repris et réévalué la place et l’impact d’André Bazin, Roland Barthes, Siegfried Kracauer ou encore Stanley Cavell, sont multiples et contribuent, en remettant en avant des textes de la théorie classique, à « nous faire reconnaitre la complexité et la densité d’une expérience que nos sensibilités déjà altérées par la vidéo ont oubliée. Et c’est bien là un dernier paradoxe temporel : que nous en arrivions à reconnaitre et à valoriser les automatismes d’un art trop tôt ou trop tard, soit au moment où la nouveauté étonne, ou au contraire au moment tardif où se produit son remplacement par de nouvelles formes et de nouveaux automatismes » (p.79)
Rodowick prend ainsi pour exemple de cet art « du temps qui passe » Numéro zéro, le film que Jean Eustache a tourné en 1971, film tout entier consacré à un entretien de cent dix minutes avec sa grand-mère, Odette Robert. Ce film, tourné en 16mm, à une époque où il fallait changer régulièrement de magasin dans la caméra, examine un effet particulier de l’automatisme filmique : l’utopie qui consiste à faire coïncider la durée de l’évènement avec celle de l’enregistrement par la caméra. Le temps réel, ici celui de l’enregistrement simultané ou successif effectué par deux caméras, est censé préserver la singularité de ce présent qui passe. Pourquoi ce film est-il important pour Rodowick ? « Parce qu’il exprime de manière claire et complexe à la fois, dans sa structure esthétique, le caractère particulier du cinéma qui lui permet d’être à la fois un document historique et un témoignage » (p.80) Ce qui lui fait rapprocher ce film de Shoah, de Claude Lanzmann (1985), plutôt que de l’interminable Empire, d’Andy Warhol (1964).
En ce sens, nous dit Rodowick, « un film comme Numéro zéro nous montre non seulement un monde passé mais aussi un monde en train de passer : une relation à la durée et au passage du temps, qui ne nous est peut-être plus accessible, ou qui ne reflète plus ou n’exprime plus notre mode d’existence actuel et nos attentes concernant notre existence future. » (p.83)
Ce média (le film) lui-même est-il en train de disparaitre, et l’expérience que nous en avions va-t-elle se perdre dans la réalité virtuelle de l’image électronique ? En revenant à Cavell, et en considérant que la reproduction du monde est la seule chose que le cinéma effectue de manière automatique, on peut comprendre que la définition d’un média par ses automatismes va plus loin qu’une simple recension des technologies qui le caractérisent. Il s’agit en effet de technique autant que de technologie, la technique étant appréhendée en tant que techné. L’invention du processus ayant fait surgir la machinerie de prise de vue n’est pas l’invention du cinéma en tant qu'art, mais elle a permis à celui-ci d’exister potentiellement en mettant en place les conditions matérielles de son apparition. Ces processus largement automatisés, qui sont une caractéristique majeure des arts technologiques, ne signifient pas pour autant que c’est la machine qui prend la place de l’artiste, mais on voit bien qu’à chacune des évolutions de ces nouvelles formes esthétiques il y a eu une nécessaire adaptation et la mise en place d’un rapport nouveau entre l’artiste et le média.
La disparition du film en tant que média, et son remplacement par le cinéma numérique, ne signifie pas qu’une nouvelle entité est créée par substitution mais, plutôt, qu’un déplacement de ses éléments de base a eu lieu. L’image électronique n’est pas apparue ex-nihilo à la suite de l’invention des procédés de traitement numérique de l’information, mais plutôt à la suite de déplacements dans la relation entre les éléments constitutifs des images animées. C’est-à-dire la génération, l’enregistrement, le traitement et la diffusion des images en mouvement. On peut penser alors que chacun des médias technologiques de la représentation a une identité qui lui est propre, tout en étant en réalité constitué par une combinaison variable d’éléments qui peuvent appartenir toutefois à une même base commune, à la fois technologique et esthétique. Mais ce qui est indissociable du cinéma c’est une certaine perception de la durée et, ce qui disparait avec le film nous dit encore Rodowick, c’est la dimension historique « d’une causalité photographique en tant que témoignage d’existences passées… Au vingt et unième siècle, Méliès l’a emporté sur Lumière, avec des technologies et des stratégies nouvelles. Le cinéma deviendra l’art de la synthèse de mondes imaginaires, dans lesquels la vision de la réalité physique sera de moins en moins présente. » (p.87)
Passons sur la question de l’indexation et sur la difficulté d’appliquer l’idée de l’isomorphisme du processus analogique au traitement numérique des images. Ici Rodowick pense, en se référant à Stanley Cavell, que les « automatismes de causalité analogique sont forcément liés à une existence physique de ce qui est représenté, même si leurs éléments peuvent être recombinés pour produire des mondes imaginaires. En revanche, la synthèse numérique (c’est le nom qu’il donne au traitement numérique des images) n’est liée au monde physique qu’en raison de sa capacité à construire une ressemblance spatiale. » (p.107)
Il est intéressant cependant de chercher à comprendre ce qui, pour Rodowick, différencie notre perception du film de celle de l’image numérique. L’exemple est sa critique du film d’Alexandre Sokourov, L’Arche Russe (2002), film qui fit couler beaucoup d’encre à sa sortie, en raison du format, des technologies utilisées et de son parti-pris esthétique.  Comme Numéro zéro, c’est un film qui se confronte au problème de l’histoire et du temps qui passe, et comme lui la solution recherchée est celle de l’enregistrement en continu en faisant correspondre de manière homothétique le temps de l’évènement avec celui de la prise de vue. Le film de Sokourov se présente comme une exploration, dans le temps et dans l’espace, du musée de l’Hermitage, en faisant correspondre dans un même mouvement art, histoire et culture de la Russie. Le tournage en une seule prise de quatre-vingt-six minutes permet de suivre les pérégrinations temporelles d’un intellectuel français, le marquis de Custine, parmi les collections et l’architecture du Palais d’Hiver.
Confrontés au problème des capacités des magasins de 35mm classiques (22 minutes au maximum) et des cassettes HD de l’époque (46 minutes), Sokourov et son Chef Opérateur, Tilman Büttner, adoptèrent une solution innovante pour l’époque en décidant d’utiliser un disque dur de grande capacité pour l’enregistrement d’un signal HD non compressé. Le résultat obtenu est un tour de force de mise en scène et de travail au steadicam.
Cependant, nous dit Rodowick, le problème vient de ce que L’Arche Russe est un film qui fonde la crédibilité de son réalisme temporel sur l’hypothèse d’une équivalence spatiale entre la photographie et le cinéma numérique. Ce faisant, il met en perspective leur différence en ce qui concerne leur représentation de la durée.
Car, si le film de Sokourov a bien été tourné en une seule prise de 86 minutes, il ne peut, selon Rodowick, être considéré comme un « one long take or a single shot », car le cinéma numérique transforme ces deux concepts. L’explication vient de ce que, pour comprendre l’essence du cinéma numérique nous dit-il, il faut comprendre ce film comme le résultat d’un travail de montage, exactement comme peut l’être Octobre de Sergueï Eisenstein. Et il est certain que, si l’on examine le nombre et la multiplicité des interventions pendant le tournage (les orchestrations de la mise en scène) et en post-production (le travail du compositing et de l’étalonnage) on pourrait en effet en conclure que ce film est ni plus ni moins le résultat de milliers de processus numériques qui se suivent ou se superposent.
En quoi consiste l’évènement numérique, nous dit-il ? La captation numérique, la synthèse (ou encodage) et le compositing en sont les principaux éléments. Et d’autre part, l’image enregistrée n’est pas « unique ». Elle est en fait le résultat de la combinaison d’un nombre important d’éléments de base, qu’on peut appeler des « pixels », et du processus de calcul permettant la conversion de la lumière en code utilisable dans les machines. Et, toujours selon Rodowick, cet « évènement numérique » correspond moins à la durée dans le monde perçu qu’aux variations prenant place au cours de processus discrets dans les unités de calcul des machines. C’est ainsi nous dit-il qu’il peut y avoir des prises, dans le cinéma numérique (takes) mais qu’il ne saurait y avoir de plans (shots). Car ce qui était un plan est devenu un élément variable, ouvert à toutes les manipulations, et ce qui était cinéma est devenu un langage permettant toutes sortes de combinaisons. Ce qui permet à Lev Manovich d’écrire une formule provocante telle que : « Digital film = f(x,y,t)… Puisque l’ordinateur décompose chaque image en pixels, un film peut être défini comme une fonction qui, étant donné la position horizontale, verticale et temporelle de chaque pixel, renvoie sa couleur. » (Le Langage des Nouveaux Médias, p.302)
C’est intéressant mais insuffisant. En effet, l’enregistrement des variations de lumière par l’appareil de prise de vue a bien lieu, lui, pendant un certain temps et, au final, cette durée est bien restituée dans le temps du spectateur. Si l’image numérique est toujours « montage », on peut rétorquer qu’il n’y a pas d’unité spatiale non plus dans le temps du film qui peut, au final, être lui aussi vu comme un montage ne serait-ce qu’en raison des variations à l’intérieur d’un plan ou entre les plans. D’autre part, le travail du calculateur peut bien avoir lieu autant de temps qu’il faudra, au final c’est bien l’œil d’un certain spectateur, ou du personnage qui contrôle la machine, qui décidera de l’orientation finale à donner à l’artefact ainsi créé. Bien entendu, rien ne pourra présumer du fait que ce personnage sera ou bien ne sera pas un être humain…

dimanche 12 janvier 2014

Sur le cinéma, les études cinématographiques et quelques thèmes qui s'y rapportent (1ère partie)



Ce texte est une introduction à la lecture du livre de David N. Rodowick, The Virtual Life of Film (2007), un ouvrage qui, me semble-t-il, pose la plupart des questions concernant le devenir d'une certaine manière de penser le cinéma au moment où les structures mêmes du cinéma, en tant qu'expérience individuelle ou collective, sont en train de changer de manière fondamentale.
La théorie du cinéma (film theory pour les anglophones) s'est concentrée en général autour de l'esthétique et de la psychologie d'une part, de l'histoire du cinéma d'autre part. Il faut cependant considérer qu'elle connait aujourd'hui une évolution notable vers une réflexion tendant à inclure les "nouveaux médias", ce qui reste une manière encore assez vague de caractériser l'ensemble du champ ouvert par les évolutions technologiques en cours depuis une dizaine d'années maintenant. David N. Rodowick appelle ainsi à fonder une "théorie des images en mouvement et des nouveaux médias" tout en constatant, avec une certaine ironie, que les études cinématographiques ont reçu une certaine reconnaissance au sein de l'université, en tant que domaine de recherche légitime, au moment où l'objet même de ces recherches n'existe plus (p.26). D'où la question du théoricien du film : "What becomes of cinema studies if film should disappear ? Perhaps this is a question that only film theory can answer" (p.3). Il faut sans doute alors poser à nouveau la question "Qu'est-ce que le cinéma ?" comme expérience d’un art technologique fondé sur la fabrication et la restitution d’une certaine catégorie d’images en mouvement (ou comme Rodowick l'écrit : What was cinema ?"). La réponse passe sans doute par une nouvelle définition des arts de la représentation avec des images animées, alors qu'on n'a jamais connu autant de difficultés pour définir "le fondement ontologique du cinéma" (p.12).
Ce problème concerne peut-être aussi la difficulté à définir le cinéma en tant qu'art, c'est à dire à travers "la nécessité de définir les possibilités artistiques du médium en montrant l'originalité de son fondement ontologique dans un principe esthétique premier qui dérive d'une longue tradition dans l'histoire de la philosophie" (p.12) puisque, malgré la déconstruction opérée au sein des formes plastiques depuis plus d'un siècle, notre culture ne s'est pas débarrassée de l'instinct qui consiste à valoriser l'Art de cette façon. Il y a, reconnait Rodowick, quelque chose dans le rapport du film avec l'espace et le temps qui perturbe les hiérarchies et les valeurs émises par l'esthétique moderne.
Cette difficulté à situer le film dans un champ d'études théoriques n'a pas débuté avec sa "virtualisation" par l'image numérique. Du point de vue de l'esthétique moderne, la littérature ou la sculpture, ou encore la peinture, ont une stabilité ontologique relativement rassurante. Leur statut en tant qu'objets esthétiques semble pour le moins évident. Pourquoi alors le film est-il si difficile à caractériser lui-même en tant qu'objet d'investigation esthétique ? Peut-être, nous dit alors Rodowick, "parce qu'il a été le premier medium à remettre fondamentalement en question les concepts même de l'esthétique. Jusqu'à l'émergence du cinéma, la plupart des arts pouvaient être classés selon la distinction due à Gotthold Ephraim Lessing 1766 entre arts de la succession - le temps - et arts de la simultanéité - l'espace" (p.13). Le paradoxe de l'expérience filmique est cependant qu'elle prend place à la fois dans un continuum spatial et dans la durée. Le cinéma a une nature hybride : il combine à la fois des images et des sons, des paroles et de l'écrit.
Quelque part, la suspicion - ou l'angoisse - due au fait que la nature esthétique du cinéma pouvait être mise en question était due à cette nature hybride du film, à la fois art de l'espace et art du temps. Cette difficulté est encore plus visible dans la théorie esthétique moderne où, selon Nelson Goodman, on privilégie en général ce qu'il appelle les "arts autographiques". Ce sont les arts de la signature, c’est-à-dire les arts définis par le contact physique de la main de l’artiste. L’œuvre produite est définitive lorsque l’artiste a terminé son travail, et elle est unique. Il n’y a qu’un seul original.
A l’opposé, Goodman distingue les arts allographiques, dont la musique est l’exemple type, et où il faut distinguer entre l’acte de création – la composition musicale – et la performance. Le film partage avec la musique une situation dans laquelle l’acte de création – le concept, pourrait-on dire, ou le scénario – est séparé de l’exécution – c’est-à-dire le tournage. Le film est, tout comme la musique, une création à deux étapes (two stage process) voire plus. Mais, contrairement à la musique, où la notation en composition peut servir d’acte garantissant la signature de l’auteur, le cinéma, au même titre d’ailleurs que la photographie, peine à distinguer la copie de l’original. Car ici même, ce sont les procédés de reproduction technologiques qui créent une ambiguïté quand à la nature de l’œuvre. Rodowick cite d’ailleurs l’exemple de Citizen Kane, dont la copie originale a été perdue. Dès lors, nous dit-il, doit-on considérer que toutes les copies existantes ne sont que des imitations ? Et ceci avant même de pouvoir répondre à la question de l’attribution du film à son auteur. Mais qui serait-il ? Le scénariste ou bien plutôt le réalisateur qui l’a porté en scène et permis une interprétation des différents éléments du scénario ? Et comment cette question de l’auteur peut-elle se décliner dans un univers de production dans lequel les intervenants sont de plus en plus nombreux et spécialisés dans des techniques de création complexes, renvoyant ainsi le réalisateur au rang de gestionnaire d’un ensemble qui comprend plusieurs niveaux de conception et d’exécution ? C’est évidemment le cas aujourd’hui des images de synthèse et des effets spéciaux omniprésents dans la plupart des films, à commencer par le film publicitaire ou le clip. Leur niveau d’expertise est tel, qu’il devient difficile à toute personne qui n’a pas suivi un cursus spécialisé, ou qui n’a pas déjà une certaine expérience de leur conception, d’imaginer simplement ce qu’il est possible de faire dans une situation donnée.
Revenons à la question posée par Rodowick, celle qui concerne la disparition d’une certaine forme d’expérience du cinéma et l’avènement simultané des études cinématographiques dans le champ de la recherche académique. Bien qu’il s’agisse d’appréciations concernant avant tout le monde universitaire anglo-saxon on pourrait, sans y apporter trop de modifications, poser la même question en France, puisqu’il s’agit avant tout, dans l’appréciation de Rodowick, de reconnaitre le moment à partir duquel ces enseignements ont acquis d’une certaine manière une légitimité.
On voit bien, en effet, que ce moment est concomitant de l’apparition de nouveaux procédés technologiques qui introduisent une nouvelle manière de regarder et d’analyser les films. On peut, bien sûr, remonter à la diffusion du magnétoscope et de la cassette vidéo pour dater le début d’une transformation radicale de l’expérience du cinéma, puisqu’à partir de ce moment, et plus encore avec le DVD et les fichiers téléchargeables sur Internet, il est devenu possible de regarder n’importe quel film chez soi, confortablement installé dans son salon, et surtout d’en programmer la diffusion dans son intégralité ou par parties.
Bien entendu il ne s’agit plus de l’expérience canonique du film projeté en salle, dans l’obscurité et d’un seul tenant, sans que l’on ait la possibilité d’en interrompre la projection, ne fut-ce que quelques instants. Mais en quoi cela ne serait pas du cinéma ? Ce qui me parait plus important, et peut-être est-ce aussi une conséquence indirecte de ces nouveaux dispositifs, c’est la disparition progressive d’une certaine cinéphilie – tout à fait caractéristique d’ailleurs de l’auteurisme et du clubisme à la française (pardon pour les néologismes) – pour laisser la place à un consommateur archiviste, isolé devant son écran. Car il faut aussi prendre en considération le fait que de nouvelles formes d’expérience filmique sont apparues, les séries en particulier, qui ne sont pas destinées à être projetées en salle, et dont la structure narrative et la construction visuelle (cadre et valeurs de plan, mais aussi la couleur et le format de l’image) sont calibrées pour des écrans de petite taille, ainsi que le réglage de l’image (le contraste en particulier).
Par ailleurs, et c’est Rodowick cette fois qui l’écrit, l’idée selon laquelle il y aurait quelque chose d’ontologiquement unique à propos du matériau photographique et du film lui-même ne tient pas. Noël Carroll voit d’ailleurs toute cette évolution prendre place dans une histoire plus large des images en mouvement, dont le film lui-même ne serait qu’une phase (Theorizing the Moving Image, 1996).
La question que pose alors le livre : qu’est-ce qu’a été le cinéma ? (What was cinema ?) et ce qu’il en reste aujourd’hui. Quelles transformations a-t-il subies en se fondant dans « le monde électronique et virtuel des manipulations numériques ? » (p.31). Le cinéma, et par voie de conséquence l’expérience du spectateur, en devenant entièrement un art du numérique, a-t-il ainsi définitivement perdu sa dimension d’art du spectacle, qui se manifestait dans une sorte de matériau originel unique destiné à la projection dans certaines conditions seulement ?
Remarquons, tout d’abord, que Rodowick opère une distinction entre le médium en tant que tel (le film, la vidéo) et son support physique et la diffusion (distribution, dans le terme anglais) : les supports vidéo, la compression numérique, la télévision broadcast et Internet fonctionnent comme des canaux de transmission sur lesquels un même film pourra être visionné. La distinction entre film et vidéo, ou entre analogique et numérique comme porteurs de l’information n’est pas suffisante pour caractériser le médium. La question qui se pose alors est la suivante : les différentes catégories d’images animées sont-elles à mettre en relation avec des environnements de visionnage spécifiques ? La réponse de l’auteur est sans ambiguïté : de manière intuitive, les images électroniques ne sont pas du « cinéma » ; elles ne permettent pas de produire les conditions sociales et psychologiques d’un certain spectacle de cinéma.
Cette affirmation est à rapprocher des appréciations de Raymond Bellour et de Jacques Aumont, pour qui la salle obscure est le lieu par excellence de l’expérience de cinéma. Ainsi, pour Bellour, « la projection d’un film en salle, dans le noir, le temps prescrit d’une séance plus ou moins collective, est devenue et reste la condition d’une expérience unique de perception et de mémoire, définissant son spectateur et que toute situation autre de vision altère plus ou moins. Et cela seul vaut d’être appelé cinéma ». 
Question posée aussi par Rodowick : « Do moving-image media have special affinities with specific viewing environments ? », et l’auteur insiste sur la spécificité de l’expérience de la projection en salle. Tout en argumentant sur le fait que les images électroniques « ne sont pas du cinéma », il se demande si « un média est une substance, un instrument ou simplement un canal de transmission (channel) ? ». Ceci signifie qu’un média devrait être distingué du support physique qui le compose et du canal de transmission. La vidéo numérique, l’encodage MPEG-2 ou 4, la télévision broadcast ou Internet fonctionnent comme des canaux de diffusion, à travers lesquels un même objet (disons M le maudit, de Fritz Lang) pourra être regardé. En supposant des conditions optimum de transfert et de visionnage, « les différences de forme entre les versions film et vidéo de M ne seront pas plus significatives que des variations parmi les copies 16 ou 35mm. La distinction entre film et vidéo ou entre analogique et numérique comme porteurs de l’information n’est peut-être pas suffisante pour clarifier des questions telles que « qu’est-ce qu’un média ? » et « ceci a-t-il une importance ? ». Pour des films tels que Shrek ou Star Wars 2 : Attack of the Clones, le celluloïd n’est rien d’autre que le média de diffusion, une manière de projeter les films en utilisant les équipements existants même s’il serait préférable de regarder ces artefacts en utilisant des moyens de projection électroniques et numériques » (p.32). Il est difficile toutefois de reconnaitre une spécificité au média cinématographique, car le film fonctionne avant tout en tant qu’objet hybride, utilisant plusieurs composants, et qui ne peut pas être assimilé à un art du spectacle, au même titre que le théâtre par exemple. Ceci explique son originalité et la difficulté à le caractériser à travers des éléments et des formes intangibles, en utilisant des définitions essentialistes.